cyclibre

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Laos


Dans un méandre

Je passe Ban Thatom et je  m’engage sur la route de terre qui conduit à Paksi. 

Le sol est couvert de caillasse et d’une grosse couche de poussière rouge et fine qui s'infiltre partout. 

Les pentes sont improbables, à 18 %. Je zigzague entre les trous sur la plus petite vitesse, mais il arrive toujours un moment où je perds l'équilibre et je pose le pied à terre. A ce moment, plus question de redémarrer et il faut pousser le vélo jusqu'en haut.

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 Je dégouline de sueur sous le soleil de midi. L'effort est récompensé par un panorama sauvage et exceptionnel: de profondes jungles humides sur les contreforts des collines avoisinantes s’articulent autours des deux ou trois rivières de la région.

Parfois la vue s’ouvre et dévoile de belle falaises et des formations calcaires d’où pendent un cordon de lianes verdoyantes.

Malgré la mauvaise qualité du revêtement, la route est fort fréquentée. De gros camion s'embourbent dans les montées et freinent ce qu'ils peuvent dans les descentes.

L'un d'eux à fini dans un fossé. La citerne dépasse encore entre les arbres et les hautes herbes, le propriétaire semble avoir oublié de venir la récupérer.

Des motos, des “ tuk tuk “ surchargés, des bus et de gros 4x4 passent en trombe dans un nuage de poussière.

je m’installe pour la nuit sur les rives de la Nam Xan au niveau d’un rapide, là où les gens traversent à gué.

Juste en amont, la rivière est calme et le mouvement de l'eau presque imperceptible. Plus loin les gravillons et la caillasse se sont amassés sur le fond et l’eau écumeuse jaillit  en grondant.

 

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J'ai installé le hamac juste à coté de l'eau, entre un bosquet de bambous et un arbre, ultime rescapé des crues.

Le son de l’eau qui coule me berce doucement et les étoiles clignotent entre les nuages.

 

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Je m’éveille tôt et je pars à la pêche. Ca ne mord pas au vers, rien ne bouge dans le courant.

je pars tenter ma chance plus haut. Dans l'eau calme, je sens travailler la cuillère.

Je jette en amont sur le côté, où des arbres morts s'enfoncent dans les eaux noires et immobiles.

Lancer, reprendre le fil en maniant le leurre. Quelques coudées plus rapide, un coup de sillons puis une petite pause avant de commencer la lente remontée.

 

Hier après midi, une pirogue est passée vers l'amont. Trois mecs attentifs sur ce passage difficile. Il faut passer par la droite, il y a plus de fond. Le courant est fort mais le moteur efficace.

Les pales sont installées au bout d'une perche d’un mètre environ pour permettre un meilleur maniement du bateau et contrôler la profondeur de travail de l’hélice; ils peuvent ainsi éviter de rompre les pales sur les hauts fonds ou de les emmêler dans les herbiers.

Leur moteur a grondé et l’écho s'est répercuté sur les rives en ondes successives. Ils m'ont regardé puis ils ont disparu dans un méandre.

A la nuit tombée, ils sont passés en sens inverse. Equipés chacun d'un phare puissant, ils ont scrutés et repéré l'emplacement des obstacles et la sinuosité des courants de chaque parcelle de rivière.

Il sont rapidement sortis de mon champs de vision mais le grondement de leur moteur à longtemps sonné à mes oreilles.

 

Ma ligne se bloque, pas étonnant avec ces arbres noyés, ce ne sera ni la première, ni la dernière cuillère perdue pendant ce voyage.  

La ligne bouge, ce n'est pas un arbre mais un poisson qui est en train de plier le bout de ma canne. Le frein crisse et je jubile en tremblotant.

 

C'est le moment grisant où je sens la bête donner de sa force, où l'adrénaline me prend , je suis concentré sur l'extrémité de mon fil.

Tirer dans le sens inverse au déplacement du poisson et surtout l’empêcher de rejoindre la berge ou les arbres noyés pour ne pas faire de nœuds.

Les gros remous se rapprochent et je parviens à ramener le poissons à la rive. Je le saisis par les ouïes et le tire sur la terre ferme.

Ca fait un sacré bout de temps que je n'ai pas attrapé de beaux poissons, alors je laisse libre court à ma joie.

Je crie, je sautille et je ris. De toute façon,  personne ne peut m'entendre. 

 

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16/02/2015
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