cyclibre

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Une grotte, une vallée, un temple

Un long tunnel.

Un boyau de roche dans la montagne d'où sort une petite rivière. l'humidité suinte du plafond, L'eau coule, murmure. Les gouttes éclatent, Plic, Ploc. 

Les chauves souris couinent, battent des ailes. Il fait noir comme dans un cul.

 
La grotte ouvre sur une vallée sauvage.

 

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Les arbres sont immenses, noueux, leurs racines monumentales pénètrent dans le sol. 

Les fougères arborescentes se courbent et bruissent dans le vent. 

Des lianes pendent et grimpent, entortillent et étouffent. Les oiseaux chantent et voltigent entre les feuilles. 

L'atmosphère calme est imprégnée d'une énergie ancestrale. 

Un mince ruisseau coule avec douceur avant de disparaître dans le noir de la grotte. En amont, il forme une petite cascade puis déboule entre les rochers en frémissant. 

 

J'arrive à l'immense arche. 

La roche monte de part et d'autre de la plate-forme et se rejoint en une voute à plusieurs dizaines de mètres au dessus de ma tête. 

Le plafond est percé d'un large orifice rond d'où pendent des racines et des lianes. Deux petites statues de pierre sont assises contre la paroi. 

Le vent se lève , des clochettes tintent.  je découvre des empreintes de pas fossilisées dans la roche. Une pancarte annonce que ce sont les pieds du bouddha.

 

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Le chemin continue. il est étrangement d'une propreté immaculée. Le sable fin et la terre laissent parfois sortir puis rentrer dans le sol de grosses racines, mais aucune feuille, aucune branchette, pas la moindre saleté n'est visible.

 
Enfin, j'arrive au temple. 
Les moines sont dans la cour, ils balayent inlassablement chaque centimètre carré de graviers. 
Une dizaine d'arbres gigantesques apportent ombre et vitalité à l'espace. Les balayeurs avancent avec lenteur, tracent de larges demi-cercles. 
J'ai l'impression de regarder un ballet dont la chorégraphie sereine serait menée par un orchestre d'oiseau et d'insectes et dont le chef d’orchestre serait le vent.  

04/08/2015
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Le moine vagabond

Sur la chaussée la pluie tombe. De grosses gouttes bien rondes claquent , fracassent le bitume. 

Dans les champs et les marais alentours, des cigognes et des hérons sont à l’affût sur leurs longues pattes effilées. 

L'orage gronde et les éclairs illuminent les nuages sombres. L'air chargé d’humidité libère toutes les odeurs du sol.

Le petit chemin bitumé part perpendiculairement à la route. Il mène tout droit à un vieil entrepôt abandonné squatté par une bande de pigeons. 

Sur la face ouest, trois petites pièces bétonnées ouvrent sur l'immense salle de l'entrepôt. Le sol est jonché de débris de verre et de fientes.

 

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La nuit tombée, un homme, un moine passe le pas de la porte, éclair dans ma direction et m’invite à le suivre dans l'autre pièce.

Son crâne rasé luit sous la lampe de poche. Il porte la tunique orange des moines qui semble toujours en train de tomber et qu'il doit réajuster sans cesse. Plusieurs tatouages ornent son corps sec et musclé. 

Il a le regard dur, sérieux, mais son visage se détend et s'éclaire chaque fois qu'il sourit.

Nous arrivons à son campement: une élégante petite tente arrondie en tissus brun orangé. La structure est maintenue par une corde tendue à travers la pièce et posée sur un tapis de protection. 

De la cire brûle dans un petit pot métallique et quelques bâtons d’encens sont disposés à droite et à gauche du foyé. Une petite casserole d'eau chauffe doucement. 

 

C'est un moine marcheur. Il erre à travers le pays, passe les villes et les villages, arpente les routes et les chemins, se retrouve au milieu de la forêt profonde ou sur le sommet des montagnes.  

Nous fumons ensemble de nombreuses cigarettes. Il mâche du bétel et crache dans un petit sachet en plastique transparent. 

Il me montre ses pieds calleux et me fait comprendre qu'il ne porte jamais de chaussures. 

Il vient de Kanchanaburi et va vers Bangkok, nos trajectoires se croisent.

Le lendemain matin, la pièce du moine est vide, mais sur mon sac il a déposé une petite photo format d'identité qui atteste de la réalité d'une rencontre entre vagabonds. 


03/08/2015
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Shan

Le gars répète en boucle, visiblement embrumé dans l'alcool - « This village, no problem. Peace. This village, peace, no problem...».

« I love Aung San Suu Kyi and Obama. They nobel price of peace ! » « I don't like Chineese, they invade my country ».

Il nous a accosté du haut de son camion pétardant qui n'a ni carrosserie ni cabine, juste une benne en poutres de bois, un énorme moteur et une banquette de planche.

 

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Il nous a dit « I wait for you in the village, OK ? »

« OK ! »

Il a redémarré dans un fracas énorme et un gros nuage de fumée. Il est revenu quelque minutes plus tard avec une moto.

« You hungry ? »

« Yes ! Thank you. »

« I order, I order. I wait you in the village »

On s'est retrouvé dans une petite cabane avec un feu au milieu de la pièce, un lit de l'autre coté et un petit lecteur DVD portable relié au panneau solaire. Devant nous, sur la natte il y avait de la bière et du soda, du tofu frit, du riz, du poisson et du boeuf mijoté.

« You sleep here, this village no problem. After, no village. Only jungle mountain, bad road and military. You sleep here, tomorrow you go Nawnghkio. Today to late, no reach, no reach. »

Tergiversation, tergiversation. Oui, non. OK, on reste.

Il nous a emmené voir le temple, saluer les moines.

Nous sommes partis à la cascade. Le camion a sauté sur les bosses et dans les trous. Le moteur juste devant le siège et sans aucun protection a grondé, craché de la fumée noire dans nos visages.

Il a arrêté sa machine à l'orée de la forêt, juste à côté de la cabane en bambou. L'oncle qui nous accompagne, toujours assis dans la benne a continué à cuver son whisky.

Nous marchons dans la brousse entre rizière sèche, jungle verte et forêt carbonisée. l'atmosphère est étrange, pleine de fumée, le soleil obstrué par la brume, le sol noir et craquelé. La forêt brûle mais déjà renaît.

Les buffles nous regardent passer dans un silence et une immobilité anormale. Le temps me semble figé.

Arrêt sur image, seules les flammes bougent, seule la fumée s'échappe en volutes grises.

La queue d'un bovin s'agite et nos pas crissent sur la croûte de terre rouge et cramée.

 

 

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24/04/2015
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Burma

Pays d'or et de charbon, de lumière et de ténèbres, pays de tous les contrastes. Un moment adoré, l'instant suivant détesté puis aimé encore.

Un militaire au visage mauvais, l’œil sombre nous regarde passer, l'énorme mitraillette en bandoulière. Un peu plus loin, le large sourire d'un homme, une boule au creux des lèvres, les dents rouges et rongées par le bétel. Son regard pétille en nous voyant passer et il lève son pouce en signe d'encouragement.

Des hommes en longuis, et chemises blanches crachent de longs jets de bave rouge. Des femmes aux robes incroyables, aux chapeaux improbables avec des motifs en limonia jaune tracés sur leurs beaux visages ambrés. Chaque tribut, chaque ethnie dans son son habit traditionnel. 
Des musulmans à la longue barbe blanchie par le temps. Des moines aux crânes rasés demandent l'aumône devant les échoppes et restaurants. Des chrétiens, catholiques ou protestants devant leurs belles églises blanches. Des Hindous, un point rouge au milieu du front.
Des jeunes "Burma fashion" en leggins et t-shirt moulant, les cheveux teint en rouge, jaune ou bleu et qui hurlent au volant de leur moto. 
Tout le monde à l'air déguisé, comme un bal permanent ou chacun serait costumé à tout moment.

Un bordel fou, du bruit et de la pollution, la crasse et la puanteur, une circulation incroyable. Tant de motos déglinguées de voitures qui bringuebalent, de camions croulant sous leurs marchandises ou de charrettes tirées par des bœufs.

Des kilomètres sur une petite route perdue dans la montagne. Le silence, la nature immaculée, la jungle luxuriante, verte et éclatantes de vie. Des petits villages chrétiens et bouddhistes, complètement paumés, isolés où ni l'électricité, ni même les réseaux téléphoniques ne troublent l'austère simplicité des lieux. Des nuits dans les temples et les églises, chez l'habitant ou dans la tente. Un accueil incroyable, une générosité sans limite.

L'hôtels super cher et miteux, crasseux dicte sa loi parce que c'est le seul de la ville a pouvoir accueillir les touristes.
Des vendeurs sans scrupules, le sourire sournois et la langue mielleuse qui te la mettent à l'envers et te nique par derrière.

Montées hardcores, chaleur folle, feux de forêts. Tout est noir de suie, rougis par la fine poussière. L'atmosphère est embrumée de fumée brune. La route est déglinguée, c'est un mélange de fine poussière et de rochers, même la descente est pénible.

 

 

 

"Oui mais bon t'as aimé ou quoi?"

 

"J'ai kiffé sa mère!!!"


22/04/2015
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Kaya

La route numéro 5 quitte la ville vers l'Est. Après une dizaine de miles, l'ancienne route s'engage vers la gauche dans des forêts cultivées.

A l'embranchement, un grand groupe de keufs armés nous regarde passer sans broncher. C'est bon signe.

Ils sont partout. Un petit drapeau rouge ondulant au bout d'un bambou indique la présence d'un militaires armé jusqu'aux dents planqué dans les fourrés. Certains nous observent sans sourciller d'autres se contentent de hocher presque imperceptiblement leur visage casqué.

A l'épicerie, au creux de la vallée, nous prenons de l'eau. Le marchand nous offre des bananes.

"Hot Hot" dit l'homme au large sourire. Il montre le soleil au zénith et nous fait comprendre qu'il est midi, et à midi on fait la sieste et sûrement pas du vélo dans la montagne.

Sa femme arrive, le sourire plus grand encore que celui de son mari. Un sourire fin qui s'élargit sur le côté sous de jolies pommettes saillantes et découvre des dents rouges et rongées par le bétel.

En langue des signes et avec ce qu'on capte de birman elle nous dit de lâcher ce putain de vélo énorme et de prendre une moto ou de rentrer à la ville. Et tout le monde rit. Nous restons une petite heure avec eux puis repartons sur le bitume noir qui manque de fondre dans la montée.

Plus haut, nous embarquons dans un camion plein de mille marchandises, et de quatre ou cinq passagers vautrés entre des sacs de riz et d'échalotes. Les vélos chargés, nous prenons place sur les gros sacs blancs et observons le paysage grandiose qui s'offre à nous. Des montagnes immenses couvertes d'une jungle dense et d'un vert presque fluorescent. Les bidons d'essence empilés juste devant notre nez nous enivrent de leurs vapeurs odorantes. Le camion roule, stop, décharge, et charge de nouvelles marchandises, de nouveaux passagers.

Le copilote rumine son bétel. A chaque arrêt il pose une cale en bois sous les roues pour éviter que le véhicule ne valse dans ces pentes incroyables.

 

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A Leitho, nous suivons deux demoiselles qui nous escortent jusqu'à la grande église pour passer la nuit. 

Le gouvernement fournit l'électricité de 20 à 22 heures. Pendant ce laps de temps, la vallée est toute éclairée. L'église blanche resplendit sous les spots et le temple bouddhiste d'en face s'illumine de mille feux.

La route continue son ascension dans les montagnes. Elle serpente dans la roche et la terre rouge sous un toit de végétation luxuriante, des arbres énormes, des fougères gigantesques, des lianes, des feuilles larges et plates. Tout est plus grand, plus vert. Tout vit, meurt, renaît dans un cycle rapide et continu.

Thank Ye Khat, un petit village sorti de la jungle. Le père abbé est de sortie, sûrement du côté de Leitho où les ordinations ont lieu le 25 mars.

On nous emmène néanmoins à l'église et nous attendons la mère supérieure dans le bâtiment adjacent, où vit le père Matheo.

La pièce est pleine de photos et d'images. On y voit les mêmes vieux prètres, ornés de longues barbes et de cheveux crépus que dans l'église de Leitho. Ce sont sans doute les quatre plus anciens de la vallée.

Des gens pausent devant l'église, le groupe de la paroisse... On reconnaît certaines têtes vues la nuit précédente. Le père Mathéo qui serre la main du pape, la mère supérieure sur un calendrier, de vieilles représentations... 

 

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La vie est a l'ancienne dans ce coin reculé. Pas d'électricité, l'eau courante ne fonctionne plus, on se lave dans des seaux et on s'éclaire à la bougie.

Un courant d'air et la flamme ondule doucement. Les ombres dansent sur les murs chaulés, une tarentule disparaît dans une infractuosité. De grosses batteries de voiture permettent aux filles de regarder en boucle l'unique DVD Coréen dont elles raffolent. Et Loris, le fils de la famille se moque d'elles. "It's shit but they like it..." nous dit il en haussant les épaules. 

 

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Jour de pêche. Nous embarquons une grosse batterie et un transfo dans un sac de fibre tressée. Les pôles électriques sont fixés au bout de deux tiges en bambou.

A la rivière, nous ne somme pas les seuls à chercher des protéines. Des femmes et des enfants chipotent dans les rochers avec de grands paniers d'osier, ils grattent le fond, soulèvent les pierres, creusent, raclent à la recherche de petits poissons, grenouilles ou crustacés.

D'autres, armés de petites vitres transparentes observent le fond et cherchent la petite bête. Un jeune type plonge avec un masque et un harpon.

Nous sommes sans aucun doute les plus efficace avec notre attirail technologique! L'anode est pourvue de deux petites tiges métalliques et la cathode d'un filet. Les poissons sont choqués par la décharge et sont littéralement figés dans leur mouvement. Il dérivent alors tout droit dans l'épuisette. Nous ramassons en outre quelque plantes sauvages pour accompagner la chair fraîche.

Le dîner de la jungle est un régal.

Merci!

 


09/04/2015
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